Partager ce contenu
Le temps d’un voyage dans le cadre du Plan Nous, Mirabelle prend sa plus belle plume sur ce blogue pour nous conter son aventure, ses rencontres et ses découvertes au cœur de la communauté de Waskaganish, en Eeyou Istchee.
La place de l’humain
Durant ce merveilleux voyage en Eeyou Istchee, j’ai eu la grande chance d’être accompagnée par un membre de la formidable équipe de la SNAP Québec, Véronique Bussières.
Quelques années après avoir commencé un baccalauréat en biologie à McGill, elle fait un stage au Panama où un autochtone lui pose des questions sur les peuples des Premières Nations du Canada. Le malaise qu’elle ressent devant son propre manque de connaissances la mènera à poursuivre un parcours académique et professionnel axé sur l’amélioration de la connaissance des peuples autochtones du Québec et la conservation du territoire en collaboration avec eux. Son expertise unique mais surtout son savoir être, son humilité, sa gentillesse et son écoute sont un des grands cadeaux de ce voyage.
« La nature peut se gérer elle-même. Ce sur quoi on doit travailler, c’est l’humain! » – Véronique Bussières.
Pour ce dernier blogue, je vous propose de me suivre dans diverses activités culturelles réalisées dans le village de Waskaganish. Au-delà de la découverte de traditions, nous avons découvert des gens extrêmement touchants avec leurs histoires, leurs talents, leur grande générosité et délicatesse, leur humour et leur attachement à leur communauté. Un peuple duquel on peut certainement s’inspirer.
Cuisine au tipi communautaire: bannique, poisson et oie sauvage
Près des berges de la Rupert, au centre du village de Waskaganish, il y a un grand tipi communautaire où les gens se réunissent pour manger tous les midis et à l’occasion de fêtes. Le matin, les hommes partent à la pêche et les poissons recueillis sont fumés ou frits par les femmes et distribués gratuitement à quiconque a faim. Une partie de la récolte sera congelée et gardée pour les mois d’hiver. Habituée du tipi, Sheila nous a donné un atelier sur la fabrication de bannique. D’une main ferme, elle prépare la pâte, l’enroule sur un bâton, la dispose à l’angle parfait près du feu, la tourne pour une cuisson uniforme, la beurre et l’emballe pour qu’elle reste bien moelleuse. Nous avons participé à la fabrication pour ensuite goûter à ce pain chaud trempé dans une confiture de bleuets sauvages.
Le lendemain, je retourne au tipi. Cette fois, les femmes m’apprennent à reconnaître les différents poissons: le cisco ou whitefish (Coregonus artedig), l’esturgeon jaune (Acipenser fluvescens), le doré jaune ou walleye (Sander vitreus) et me conseillent alors que j’essaie à mon tour de les préparer.
Sheila, fille de la doyenne du village, supervise le tout d’un oeil attentif. C’est la cuisinière en chef qui, grâce à un leadership tranquille, voit à la distribution des tâches, l’inclusion des membres de la communauté, la distribution des ressources. Je taquine Sheila: « Vous êtes la maman du village! ». Elle me fait un petit sourire en coin tout en continuant à vaquer à ses tâches.
À un autre moment, c’est Harry et son oie apprivoisée, Shiloh qui sont de passage au tipi. Cette dernière nous suit pendant que nous cuisons sa congénère au-dessus du feu. La moins chanceuse des deux est succulente et surprenamment très tendre. Tout est délicieux: la nourriture, le partage, la beauté de cette solidarité au tipi.
Fabrication de leurre d’oie
Sous un autre tipi allongé appelé « shaputuan » tapissé de branches d’épinette noire, Harvey nous accueille pour un atelier de fabrication d’oiseaux en branches de mélèze. Traditionnellement, ce sont les hommes qui fabriquaient les appeaux et les leurres comme instruments pour aider la chasse. Son art lui a été donc transmis par son père.
Harvey nous regarde patiemment tenter d’imiter ses gestes et de donner aux petites branches odorantes une forme aviaire. Nous luttons pour transformer le bois en oiseau pendant que les huiles essentielles des conifères se volatilisent et nous embaument. Harvey nous raconte comment son père avait fabriqué une centaine de ces leurres afin de les vendre aux gens du sud. Il y avait passé autant d’heures, ses mains lacérées par les fils nécessaires à les ficeler. Des agents croyant que ses oiseaux contenaient de la drogue les ont interceptés et les ont éventrés. Après avoir constaté qu’ils étaient seulement faits de petites branches de mélèze, ils ont dû offrir une compensation financière mais la perte était inestimable. C’est la fierté d’un travail honnête, bien fait et le souci de transmettre les connaissances qu’incarne Harvey aujourd’hui.
Perlage et découverte d’un grand cœur
Stacy nous invite à apprendre comment perler. Elle a appris cette technique de sa grand-mère et pratique cet art depuis son enfance. Pendant que j’essaie maladroitement de reproduire la forme d’airelles rouges (petites canneberges) sur un bout de peau d’orignal, elle travaille à fabriquer un écrin en tissu et en peau pour accueillir le bébé d’une amie qui accouchera sous peu.
Stacy est le centre du village, celle qui se préoccupe de tous. Junior Grand Chief de la nation crie pendant quatre ans, bien qu’elle soit sollicitée de toutes parts pour diriger différents comités, c’est dans les petits gestes de soutien aux siens qu’elle trouve la paix. Peut-être que son rôle actuel comme agente du tourisme n’est pas un hasard. Peut-être que je devais l’y rencontrer pour vous la présenter.
En faisant de l’artisanat avec elle, nous parlons de son expérience comme grand chef junior, de l’influence de son grand-oncle, Billy Diamond, qui l’avait pris sous son aile. Elle énumère les qualités à la base du leadership de celui-ci: le dévouement, le sacrifice, le travail acharné, l’écoute qui lui ont valu le respect de la communauté.
De manière très touchante, elle ajoute, « À la fin de sa vie, le grand chef Billy Diamond m’a dit que beaucoup de travail avait été fait pour améliorer les infrastructures de la communauté mais le plus important, c’est de travailler pour améliorer les humains ».
Mirabelle 🌏💚
Liens utiles: