Blogue

17 août, 2022
Voyage à l’Île de l’ours par Mirabelle Kelly, ambassadrice du Plan Nous

Partager ce contenu


Mirabelle Kelly
Ambassadrice du Plan Nous
Édition Granby – Waskaganish

Le temps d’un voyage dans le cadre du Plan Nous, Mirabelle prend sa plus belle plume sur ce blogue pour nous conter son aventure, ses rencontres et ses découvertes au cœur de la communauté de Waskaganish, en Eeyou Istchee.

Voyage à l’Île de l’ours

Le soleil se lève à Waskaganish et notre petit groupe s’est réuni avant de prendre le large.

Tout en enfilant nos combinaisons de survie Mustang, notre guide nous donne la consigne de ne pas pointer en direction de l’île à l’embouchure de la rivière Rupert, l’Île du Monstre ou Manjuunisksh, car ceci pourrait entraîner du mauvais temps en mer.

En des temps lointains, nous raconte notre guide Stacey, un shaman de Waskaganish a lancé une pierre dans la mer pour contrer un monstre marin envoyé par un shaman du nord. L’immense pierre a écrasé le monstre sous l’eau et il y vit toujours. Lorsque l’on pointe la grosse masse rocheuse, il s’agite et rend la navigation plus houleuse. Le ton est donné: respect et prudence seront au rendez-vous.

Véronique et Mirabelle en combinaison Mustang – © Véronique Bussières

Accompagné par les petits garrots, les cormorans à aigrettes et les bernaches cravants, notre capitaine guide notre embarcation, le Silver Dolphin, vers l’Île Pit-stop, dont la plage de sable mauve et les lichens colorés contribuent à la magie entourant cette expédition.

Plage de sable mauve – © Véronique Bussières

Quarante kilomètres plus au nord, ce sont les sternes arctiques avec leurs ailes en forme de boomrang et leur queues graciles qui nous accompagnent. Elles nous surveillent depuis un moment et nous escortent en criant « Brriit Brriit » alors que nous approchons l’île de leurs amours, l’île qu’elles partagent avec le plus grand prédateur sur terre, l’ours polaire.

L’île aurait pu se nommer l’île des sternes ou l’île verdoyante car elle est tapissée d’une plante odorante d’un vert éclatant (Honkenya peploides diffusa) mais c’est le roi des mers qui a eu préséance pour la toponymie. Nous arrivons donc à l’île de l’ours, nerveux car notre capitaine doit aller y récolter des poils pour une société scientifique qui en fait l’étude. Il part avec un grand bâton en nous avertissant de l’aider à remonter dans le bateau en vitesse s’il revient en courant… cela voudrait dire qu’il a aperçu l’ours.

Honkenya peploides diffusa – © Véronique Bussières

Nous attendons bouche bée, constatant que notre capitaine risque sa vie. Puis quelques minutes plus tard, nous le revoyons revenir à la course. Il a vu l’ours… il a vu l’ours!!

Il remonte à bord et dit à son second de faire le tour de l’île afin que nous puissions aller à sa rencontre. Pendant que le bateau tangue et que nous nous approchons de la rive nord de l’île, nous voyons, tout à coup, une petite tâche blanc craie qui monte et qui redescend, tout près d’un bras rocheux. La tête remonte, on voit le corps puissant qui escalade les pierres sur la berge. On voit la blancheur dans le bleu du ciel et de la mer, un rocher ivoire fait de chair et d’os parmi les pierres grises. Puis, on le voit replonger dans la mer… d’un coup, comme ça, et il repart à la nage. On suit sa tête qui rebondit sur les vagues encore quelques instants alors que nous tentons de le photographier de notre petit navire qui s’agite.

La bête ne s’est pas laissé capturer par nos objectifs, du moins aucune de nos photos n’est à sa hauteur. Les sternes semblent le harceler. Il est parti. Notre capitaine nous emmène ensuite à l’est de l’île pour y accoster le temps du lunch.

Excrément d’ours polaire sur l’Île de l’ours – © Véronique Bussières

Toujours sous le choc d’avoir aperçu la bête, nous acceptons de le suivre, incrédules que nous prendrons notre repas à l’endroit où il vit. Nous croisons ses excréments pleins de plumes et ses restes: des coquilles de moules et des ossements.

Nous mangeons notre sandwich sous le regard rieur des sternes. On dit qu’ils ont dénombré dix-sept ours grâce à l’analyse de leurs poils. Nous repartons vers le bateau, les fesses serrées, surveillant nos arrières.

L’Île de l’ours – © Véronique Bussières

Sous un soleil radieux nous repartons vers la civilisation, transformés à jamais par l’extrême beauté et fragilité de ce dont nous avons été témoins. Comment dire merci pour cet immense privilège? Megwetch. Waskaganish forever.

Mirabelle 🌏💚

Liens utiles:


Des questions? Mirabelle vous répond!