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5 octobre, 2023
Le plan d’aménagement forestier: bon pour les propriétaires, bon pour la nature!

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Diego Creimer
Directeur, Finances et biodiversité

Ancien journaliste et curieux sans frontières, Diego a travaillé en communications et politique environnementale pour plusieurs organisations canadiennes. Petit producteur forestier en Beauce, il aime autant discuter de politique environnementale qu’écouter les gloussements des gélinottes au beau milieu d’une sapinière.


Une partie importante de la forêt du sud du Québec est dans des mains privées. Selon la Fédération des producteurs forestiers du Québec, on dénombre environ 134 000 propriétaires de lots boisés d’une superficie de quatre hectares et plus au Québec. Il s’agit de personnes avec des parcours très variés : agriculteurs, ouvriers, professionnels ou retraités, ruraux ou néoruraux, et même des immigrants cherchant à reconnecter un passé familial marqué par la ruralité.

Il y a donc 134 000 propriétaires et gestionnaires de petits et grands pans de nature au Québec!

Tout comme posséder une voiture ou une maison comporte de grandes responsabilités (conduire en respectant la sécurité des autres usagers de la route, ou payer les taxes foncières pour entretenir les infrastructures publiques municipales), le fait d’être propriétaire d’une forêt devrait aussi nous rappeler que nous avons des obligations vis-à-vis de la nature dont nous dépendons collectivement.

Le plan d’aménagement forestier, c’est « le permis de conduire sa forêt », idéalement vers un état de santé, de diversité biologique, de résilience et, quand cela est possible et souhaité, de rentabilité.

Malheureusement, une majorité des propriétaires de boisés au Québec ne détient pas de plan d’aménagement forestier. Ils gèrent leur pan de nature instinctivement, parfois bien, parfois moins bien. Promouvoir les bienfaits de détenir un plan d’aménagement forestier est donc un geste qui favorise et la nature, et les propriétaires.

Qu’est-ce qu’un « PAF », au juste?

Le plan d’aménagement forestier (ou simplement, le PAF!) est un outil clé de planification qui permet de gérer la forêt privée d’une manière prévisible et responsable, et de la protéger. Quand un propriétaire de boisé décide d’en obtenir un, il contacte un(e) conseiller forestier (via son groupement forestier, sa société sylvicole, ou encore un conseiller indépendant) afin de l’aider à faire un plan qui correspondra le mieux à ses objectifs.

Chaque propriétaire peut avoir des objectifs différents et c’est très bien comme ça! Est-ce d’abord la production de bois de sciage et la recherche d’un revenu d’exploitation? Ou c’est plutôt la chasse et les revenus d’appoint qu’on peut en tirer qui motivent ses efforts? Ou encore la mise en conservation d’une partie de sa terre?

Suite au rendez-vous avec le conseiller forestier, celui-ci assigne un(e) technicien forestier ou ingénieur forestier qui visite alors la terre en compagnie du propriétaire. C’est une belle occasion pour observer la composition et l’évolution de la forêt, et pour discuter des objectifs. Qu’est-ce qu’on attend de notre boisé dans les prochaines dix années? Lors de cette visite, le conseiller informe le propriétaire de tous les différents programmes dont il pourrait bénéficier en devenant producteur forestier.

Avec toutes ces informations sur le boisé et sur la vision du propriétaire, le technicien forestier transmet un rapport technique à l’ingénieur qui élaborera et signera le plan. Le propriétaire doit ensuite en prendre connaissance, mais son plan est avant tout un guide contenant des recommandations, et ne comporte aucune obligation. Néanmoins, lors de la réalisation des travaux recommandés dans le plan, un ingénieur forestier doit signer la prescription sylvicole, et c’est juste à ce moment-là que le propriétaire prend un engagement ferme quant à la réalisation des travaux et en assume la responsabilité.

Le coût d’un PAF pour un propriétaire peut aller de 800$ à plusieurs milliers de dollars selon la complexité, la superficie de sa terre et ses besoins; mais dans le cas des lots boisés de 60 acres et moins, on se trouvera souvent près de ce montant. Pourtant, un producteur forestier enregistré, aussi petite que soit son exploitation, peut aller chercher un crédit d’impôt sur la taxe foncière de sa terre pour récupérer une partie de l’argent qu’il a investi dans son plan. Un bon aménagement augmentera aussi la valeur de son boisé. Et il pourra en retirer des bénéfices monétaires lors d’interventions sylvicoles.  

Pendant les dix ans de validité du PAF, les travaux sylvicoles effectués sur la terre suivent les grandes orientations et objectifs du plan. Avant les travaux, une analyse plus détaillée de la forêt est faite afin de produire des prescriptions plus précises. Ces prescriptions, faites par un ingénieur forestier, doivent respecter certains critères pour être admissibles aux nombreuses subventions. Encore une fois, suivre le plan, c’est payant pour le producteur et pour la forêt.

Les PAF évoluent!

D’une décennie à l’autre et d’un plan à l’autre, les PAF évoluent avec les marchés changeants, les nouvelles opportunités, les contraintes et les occasions liées aux changements climatiques, et surtout avec les valeurs de notre société.

Aujourd’hui, on retrouve de plus en plus de plans d’aménagement forestier très créatifs qui incluent des volets fauniques pour garantir la pérennité de la biodiversité du boisé et de la chasse, ou la récolte des produits forestiers non ligneux, comme des champignons et des petits fruits sauvages, un secteur en pleine expansion permettant de diversifier les revenus.

On trouve aussi des PAF qui comportent des objectifs de conservation, comme des zones tampons élargies autour des milieux humides ou semi-humides, ou des secteurs de forêt mis en conservation parce qu’ils seront éventuellement admissibles à un programme de crédits de carbone (ce qui permet aussi de diversifier les revenus, comme dans le cas du programme Pivot au Québec) ou encore parce qu’ils pourront devenir une servitude de conservation.

Le plan d’aménagement forestier peut alors servir à mieux gérer nos boisés, à diversifier les revenus qu’on en tire, à mieux protéger nos milieux humides, la biodiversité de nos forêts et leur beauté, que l’on souhaite pérenne!