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Véronique est responsable de la conservation bioculturelle à la SNAP Québec depuis 2018. Elle termine aussi son doctorat sur les aires protégées autochtones en milieux côtiers. Elle aime autant flâner dans les musées des grandes villes que cuire la bannique sur un feu de camp au milieu de la taïga.
Marie est chargée de projet en conservation marine à la SNAP Québec depuis novembre 2020. Géographe de formation, elle s’intéresse depuis longtemps aux milieux marins et est fière de travailler à leur protection. Passionnée d’air salin, de gastronomie et de musique, c’est une curieuse de nature qui ne cesse de vouloir apprendre!
Saviez-vous que notre Saint-Laurent contient tout ce qu’il faut pour se concocter une appétissante salade ? On y trouve concombre de mer, pêche de mer, patate de mer, framboise de mer, chou-fleur de mer, groseille de mer et même brocoli de mer! Ces noms intrigants à connotation culinaire désignent des espèces qui n’ont pourtant rien à voir avec leurs homonymes, illustrant ainsi une infime partie de l’impressionnante biodiversité du Saint-Laurent, que l’on doit protéger à tout prix, au risque de la voir disparaitre à jamais.
Des espèces intrigantes
Ces espèces sont toutes plus fascinantes les unes que les autres. Par exemple, la framboise, le chou-fleur et le brocoli de mer sont trois de coraux mous peuplant les eaux froides de notre Saint-Laurent (eh oui ! Il y a des coraux au Québec !). Contrairement aux espèces que l’on rencontre souvent lors de nos séjours dans le sud, ces coraux mous n’ont pas d’exosquelette, cette structure de calcaire dure qui forme les récifs coraliens si caractéristiques. Ils vivent en colonies composées d’une multitude de polypes individuels (rappelant de minuscules anémones) interreliés, formant ainsi une structure molle en forme d’arbre miniature d’une trentaine de centimètres de haut.
Espèce peut-être plus connue et abondamment récoltée sur la rive nord de la Gaspésie, les concombres de mer, ou holothuries, sont pour leur part de véritables “citoyens de toutes les mers”. Habitant tantôt les fosses abyssales, tantôt les eaux peu profondes, ces échinodermes (oui! Comme les étoiles de mer!) vivent aussi bien dans les eaux glaciales de l’Antarctique que dans celles beaucoup plus chaudes du sud de l’océan Pacifique. Ça c’est de l’adaptation !
Proches parentes des méduses, les groseilles de mer sont quant à elles de voraces prédatrices qu’on retrouve dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Elles se nourrissent de plancton et peuvent en vider les eaux qu’elles fréquentent lorsqu’elles se regroupent en banc.
Leur introduction accidentelle dans la mer Noire au début des années 1980 a même mené à l’effondrement massif des stocks de poissons, dont elles avaient épuisé les proies. Également friandes de planctons, les pêches et les patates de mer sont des organismes filtrants forts efficaces. Grâce à leurs siphons, ces tuniciers peuvent aisément pomper, puis éjecter d’importants volumes d’eau. D’ailleurs, la pêche de mer performe si bien dans cette tâche qu’elle parvient à filtrer jusqu’à 200 L d’eau par heure!
Une salade biodiversifiée
Il est fascinant de penser que notre Saint-Laurent abrite toute cette variété de formes de vie, souvent cachée du regard des passants, car immergée sous la surface. Cette multitude d’espèces représente une des composantes de la biodiversité. Les caractéristiques de ces espèces adaptées à leur milieu particulier sont apparues à la suite de longs, très longs processus évolutifs, et ce, grâce à la diversité génétique qui existe au sein même des espèces. Cette diversité génétique est donc essentielle à la résilience de la vie sur Terre.
Mille et une raisons de protéger ces espèces
Cependant, et tel que le souligne un récent article publié dans Nature, nous devons agir dès maintenant.
Pour ce faire, il faut réduire de manière significative nos impacts sur les milieux marins et assurer la protection de toutes ces espèces avant qu’il ne soit trop tard. Les aires protégées sont reconnues mondialement par l’UICN comme la pierre angulaire de la conservation des milieux naturels, autant marins que terrestres. Pour bien jouer ce rôle, les aires marines protégées doivent toutefois englober un minimum de 30 % de l’ensemble des milieux marins.
Il y a presque autant de raisons de protéger ces espèces qu’il y a de biodiversité dans le Saint-Laurent : on peut vouloir préserver les réseaux écologiques alimentaires, la résilience des écosystèmes, les activités de prélèvement à des fins alimentaires, médicinales ou autre, etc. On peut aussi simplement souhaiter sauvegarder la beauté du Saint-Laurent et toutes ces espèces uniques et fascinantes pour leur valeur intrinsèque.
Avant tout n’oublions pas que cette salade de fruits de mer est le résultat de milliards d’années d’évolution qu’il nous sera impossible de recréer si nous la détruisons.