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15 août, 2023
Encourager la diversité en forêt, c’est encourager sa résilience!

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Diego Creimer
Directeur, Finances et biodiversité

Ancien journaliste et curieux sans frontières, Diego a travaillé en communications et politique environnementale pour plusieurs organisations canadiennes. Petit producteur forestier en Beauce, il aime autant discuter de politique environnementale qu’écouter les gloussements des gélinottes au beau milieu d’une sapinière.


L’année 2023 aura laissé une trace indélébile de forêts brûlées et de fumée grisâtre sur notre mémoire collective. Ces feux dont la probabilité, la fréquence, le nombre et l’ampleur sont en augmentation à cause des changements climatiques pourraient en partie être contrés avec des techniques de diversification forestière qui permettraient à des espèces plus variées et plus résistantes, comme le peuplier, le pin gris et le pin rouge, de prendre leur place en forêt.

De nombreux avantage pour les forêts et la biodiversité

Avec la même logique, une forêt diversifiée est nettement plus résistante aux changements climatiques et aux ravageurs. La tordeuse des bourgeons de l’épinette fait de ravages économiques quand elle passe à travers une monoculture d’épinettes. Mais dans une forêt diversifiée, ses impacts sont moindres. Autrement dit: on perd quelques arbres, mais pas tous. Les autres essences qui ne sont pas affectées auront aussi, à un moment ou l’autre, une valeur commerciale; mais surtout, elles rendent des services écosystémiques importants. Avec la diversification, quand un malheur arrive, la forêt peut mieux résister. Diversité = résilience!

Selon le glossaire forestier du ministère des Ressources naturelles du Canada, la diversification forestière est un « système d’aménagement qui cherche à simuler les processus écologiques afin de maintenir un niveau satisfaisant de diversité dans les paysages naturels et leur mode de répartition dans le but d’assurer la durabilité des processus des écosystèmes forestiers. » 

Un autre avantage non négligeable de la diversification forestière est en lien avec sa capacité de capter et de stocker davantage de carbone dans la matière ligneuse des arbres et dans les sols forestiers qu’une monoculture ou un peuplement peu diversifié. Une forêt diversifiée avec un bon mélange d’arbres matures et des arbres jeunes au sous-bois, des résineux, des feuillus et des plantes arbustives comporte une diversité de matières ligneuses avec des niveaux de résistance différents aux feux, aux ravageurs, aux vents, aux inondations et aux sécheresses. On ne saurait pas assez insister :  diversité = résilience! 

Finalement, la diversification forestière favorise la biodiversité. Cela va de soi pour les espèces végétales, mais les retombées positives sont aussi du côté des espèces animales et fongiques. Une forêt diversifiée peut abriter davantage d’espèces animales et des champignonnières qui parfois permettent même de diversifier les activités économiques. Il suffit de penser aux revenus d’appoint que plusieurs propriétaires de boisés tirent de la location pour la chasse réglementée, ou de l’essor récent du marché des produits forestiers non ligneux. Le gain est même culturel: la gastronomie québécoise gagne à explorer et à rendre populaires certains aliments du terroir, comme les champignons sauvages.   

Qu’est-ce qu’on peut faire pour encourager la diversification forestière au Québec? 

La réponse simple est « vaincre l’inertie ». Nos forêts sont considérées depuis des décennies comme des sources inépuisables de matière ligneuse. « La loi actuelle oblige les compagnies forestières à favoriser quelques conifères vedettes, en gros ceux avec lesquels on fait des deux par quatre. Ce n’est pas ce qu’il faut faire. Il faut favoriser une diversification des espèces », affirmait le biologiste Christian Messier dans une lettre ouverte publiée en juin, au beau milieu des grands feux de forêt. 

Que le deux par quatre ne nous cache plus la forêt! Dans un monde changeant, soumis aux pressions extrêmes et aléatoires, il est effectivement très difficile de prévoir quelles essences d’arbres seront économiquement rentables dans 20, 50 ou 100 ans. Il est également impossible à prévoir si la fonction principale que nous attendrons de nos forêts dans quelques décennies sera la production de bois ou les services que nous procure sa protection, comme la purification de l’air, de l’eau et l’absorption de nos émissions de carbone. 

La diversification nous permettra de garder toutes nos options ouvertes!