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21 mars, 2025
Pour sortir du bois sans perdre la forêt, la nature est notre meilleure alliée

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Nicolas Mainville
Directeur Conservation et Climat à la SNAP Québec

Lettre ouverte – SNAP Québec

En cette Journée Internationale des Forêts, nous interpellons le milieu forestier québécois afin d’offrir une sortie aux multiples crises qui frappent la forêt québécoise, la biodiversité et les communautés qui en dépendent. Alors que la guerre commerciale avec les américains se concrétise, que l’inquiétude dans les régions forestières est à son comble, que le gouvernement s’apprête à lancer une réforme du régime forestier, que les Premières Nations dénoncent un processus opaque qui menace directement leurs droits et responsabilités, que la crise du climat s’emballe et que la perte de biodiversité menace la pérennité même des écosystèmes desquels nous dépendons tous et toutes, il est plus qu’urgent de trouver des solutions globales à ces crises multiples plutôt que de continuer de travailler en silos.

Sortir des sentiers battus pour assurer la résilience de la forêt et des collectivités

Le système d’exploitation de nos forêts publiques est basé depuis longtemps sur l’extraction de gros volumes de bois peu transformés pour rassasier principalement l’appétit de nos voisins du Sud. L’industrie forestière du Québec, formée de plusieurs compagnies dont le siège social est aux États-Unis, coupe en moyenne plus de 1000 terrains de football par jour de forêts, et plus la majorité de ces arbres subira une transformation minimale avant de se retrouver sur les marchés. Pour aller chercher les arbres de plus en plus petits et de plus en plus loin au Nord, le Québec ajoute chaque année plus de 6000 km de chemins forestiers à son réseau, soit l’équivalent de la distance Montréal-Paris. Cette course aux gros volumes de bois coûte très cher aux contribuables, mais coûte aussi très cher à nos écosystèmes forestiers de plus en plus essoufflés.

Baser la majorité de notre économie forestière sur de grands volumes peu transformés vulnérabilise surtout les communautés forestières, et la dépendance de cette industrie aux marchés américains n’est tout simplement plus viable. C’est pourquoi l’économie forestière du Québec a tout à gagner à se diversifier, à se transformer et se recentrer, tel que le demandent les travailleurs du secteur forestier depuis des années. Déjà partout au Québec, des entrepreneurs et des entreprises tentent de faire leur place avec des produits forestiers hautement transformés (ligneux et non-ligneux) et des emplois diversifiés. À l’image d’une forêt diversifiée qui est plus résiliente face aux changements, cette diversification économique permettra d’enfin assurer un avenir viable pour les régions forestières.

Pour ne pas scier la branche sur laquelle nous reposons tous et toutes

Nos forêts sont à bout de souffle. Le rythme et l’étendue d’exploitation actuels ne sont plus tenables, et l’exaspération des Premières Nations est tout à fait justifiée. D’ignorer les crises actuelles et de continuer dans le même modèle ne serait qu’une autre façon de scier la branche sur laquelle notre avenir repose. À l’aube d’une refonte du régime forestier, il est impératif de laisser davantage de place à la conservation de la nature dans la gestion des forêts publiques. La cible visant à conserver 30 % de nos terres et nos mers d’ici 2030, adoptée par Québec lors de la COP15, devrait être proactivement intégrée dans les calculs du Forestier en Chef et les plans d’aménagement du ministère. La science le démontre,

l’aménagement écosystémique, soit le respect des processus écologiques et de la biodiversité existante, doit être une priorité de la gestion forestière. Le gouvernement du Québec doit maintenir cette approche au cœur de sa refonte du régime forestier. S’en détourner serait un recul sans précédent. Laisser davantage d’espace à la nature est notre meilleure façon de confronter le marasme forestier actuel et d’assurer une sortie de plusieurs crises en même temps. Les politiques américaines mettent en relief l’urgence d’agir pour nous départir de cette dépendance du secteur forestier aux grands volumes voués à l’exportation. Face aux multiples défis auquel nous faisons face, il est grand temps de réaliser que la nature est notre meilleure alliée.

Pour en connaître plus sur les positions de la SNAP Québec et les solutions mises de l’avant dans le cadre de la refonte actuelle du régime forestier, consultez notre mémoire déposé aux consultations sur l’avenir du secteur forestier québécois ici https://snapquebec.org/wp-content/uploads/2024/04/2024-04-11_Memoire_Foret.pdf

Nicolas Mainville 
Directeur Conservation et Climat, SNAP Québec 
21 mars 2025