Espace Presse

27 mars, 2025
Empreinte climatique : couper les forêts 5 fois pire que l’automobile 

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Communiqué de presse

Montréal, jeudi 27 mars 2025 – Dans sa toute dernière publication, les données de l’Inventaire canadien des gaz à effet de serre mettent en évidence l’impact significatif du secteur forestier canadien à la crise climatique.  La Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec) appelle le secteur forestier à reconnaitre son rôle dans la crise climatique et à modifier ses pratiques afin de diminuer son empreinte sur le climat et les écosystèmes forestiers. Bien que l’approche utilisée par le gouvernement se soit améliorée, l’Inventaire continue d’offrir une forme d’immunité à l’industrie forestière en incluant un biais méthodologique qui atténue fortement les émissions du secteur.  

Couper la forêt accélère la crise climatique 

Les données publiées par Environnement Canada le 21 mars dernier mettent en relief un bilan climatique peu reluisant pour l’industrie forestière. Chaque année, les coupes et leurs impacts sur la végétation et les sols transforment les forêts en émettrices de carbone pour des décennies, alors que les produits forestiers en fin de vie libèrent de grandes quantités de carbone via la décomposition et l’incinération.  

La SNAP Québec a décortiqué l’inventaire national des GES canadiens pour constater que les coupes forestières et les émissions provenant des produits forestiers en fin de vie[1] ont ajouté à l’atmosphère plus de 141 millions de tonnes de CO2eq en 2023[2], soit plus de carbone que tous les transports routiers, aériens, maritimes et ferroviaires du pays pour la même année, soit 140 millions de tonnes de CO2eq [3]. C’est également plus de cinq fois l’empreinte climatique du parc automobile du Canada qui est chiffrée à 25 millions de tonnes de CO2eq en 2023. 

« Les données publiées par le gouvernement démontrent comment les coupes à blanc, qui constituent encore 85 % des coupes forestières à travers le pays, accélèrent la crise climatique en libérant d’importantes quantités de carbone qui prendront des décennies avant d’être recaptées » déclare Nicolas Mainville, directeur conservation et climat pour la SNAP Québec. « Si les produits forestiers ont un rôle à jouer pour lutter contre les changements climatiques, il est tout de même important de mesurer la réelle empreinte de l’industrie afin de pouvoir mettre en place les meilleures pratiques possibles ». 

Malgré ces constats, le secteur forestier ne figure toujours pas officiellement au total des émissions du pays. Effectivement, l’industrie forestière n’a toujours pas de compte à rendre quant à l’impact climatique qu’elle cause en perturbant les écosystèmes, en empêchant les arbres de poursuivre leur rôle de puits de carbone ou en entraînant la libération d’immenses quantités de carbone lors de la décomposition des produits forestiers.  

Une distorsion méthodologique qui cache la réelle empreinte de l’industrie forestière 

L’année 2023 aura été catastrophique en termes d’émissions en raison des feux de forêt exceptionnels à travers le pays. À eux seuls, les feux de 2023 auront émis plus de 1 033 millions de tonnes de CO2eq, soit plus que tous les autres secteurs économiques de 2023 combinés. En revanche, bien qu’il les mesure, le Canada ne déclare pas ses émissions provenant de perturbations naturelles auprès de l’ONU, stipulant que ces émissions sont hors de notre contrôle. Pourtant, encore cette année et malgré les nombreuses critiques, le Canada inclue dans ses calculs du secteur forestier les absorptions de carbone des forêts matures issues de perturbations naturelles. En incluant les absorptions naturelles et en excluant les émissions naturelles, la méthode de calcul cause une distorsion qui atténue l’empreinte climatique de l’industrie forestière en soustrayant plus de 120 millions de tonnes de CO2eq à son bilan.  

« La SNAP Québec déplore qu’encore cette année, la méthodologie employée par le Canada occulte les réelles émissions de carbone provenant des coupes forestières, offrant une sorte d’immunité climatique à une des industries les plus dommageables pour le climat au pays » ajoute M. Mainville. « Alors que tous les secteurs économiques mettent la main à la pâte pour diminuer leurs émissions, nos forêts et le climat gagneraient grandement si l’empreinte climatique de l’industrie forestière était enfin reconnue par l’État ». 

Finalement, la SNAP Québec appelle le secteur forestier à prendre note des recommandations du monde de la recherche sur la dynamique du carbone forestier qui démontre les bienfaits de la conservation des massifs de veilles forêts, des coupes partielles, des plus longues rotations entre les coupes et de la protection des sols forestiers. « Alors que plusieurs politiques publiques de luttes aux changements climatiques ciblent avec raison l’automobile à essence, il est insensé de ne pas prévoir dans nos stratégies l’atténuation du secteur forestier dont l’empreinte climatique est plus de cinq fois celle de tout le parc automobile du pays. La nature est notre meilleure alliée, il faut rapidement apprendre à collaborer avec elle » conclut Alain Branchaud, directeur général à la SNAP Québec. 

  

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Le rapport d’inventaire est disponible ici : 

RAPPORT D’INVENTAIRE NATIONAL 1990–2023 : SOURCES ET PUITS DE GAZ À EFFET DE SERRE AU CANADA. Édition 2025. https://publications.gc.ca/collections/collection_2025/eccc/En81-4-2023-1-fra.pdf  

Faits saillants de l’Inventaire…. 

  • Le nouvel inventaire des GES 1990-2023 du Canada montre que les forêts perturbées par l’industrie forestière sont une source majeure de carbone vers l’atmosphère avec plus de 15 MtCO2eq libérées en 2023; 
  • Il s’agit d’une diminution de 3 MtCO2eq des émissions nettes dans cette catégorie depuis 2022; 
  • Depuis 1990, l’industrie a exploitée plus de 30 063 249 hectares de forêt, les transformant en source nette de GES, et libérant plus de 6930 MtCO2eq. Ces forêts perturbées par l’industrie auraient pu continuer de séquestrer du carbone pendant des décennies. 
  • Bien que les superficies coupées annuellement oscillent autour de 700 000 hectares depuis plusieurs années, on observe une diminution des émissions nettes provenant des forêts perturbées par l’industrie principalement dû à la régénération et au captage de carbone des forêts coupées à la fin du siècle passé; 
  • En 2023, les stocks de carbone contenus dans les produits forestiers en utilisation ont augmenté de 5,1 MtCO2eq, alors que les produits forestiers canadiens en fin de vie ont libéré plus de 126 millions de tonnes de CO2eq vers l’atmosphère; 
  • 2023 a été une année exceptionnelle quant à la superficie et aux émissions dues aux feux de forêt avec plus de 1033 MtCO2eq libérées dans l’atmosphère; 
  • Plus de 17 MtCO2eq ont été libérées dans l’atmosphère en 2023 dû à la conversion de forêts par les terres agricoles, les chemins forestiers, l’étalement urbain ou les activités minières et pétrolière à travers le pays. 

[1] À noter que 67% des émissions de 2023 provenant des produits forestiers en fin de vie étaient liées à des produits de courte durée comme les pâtes et papier.  Voir p.12 de l’inventaire 

[2] Compilation des flux de carbone en forêt aménagée (émissions et absorptions après la coupe) et des émissions des produits forestiers en fin de vie. Ce total exclus les émissions des perturbations naturelles et les absorptions des forêts qui n’ont pas été perturbées par l’activité humaine. Voir Tableau 6-5, Figure 6-3 et Tableau 2-11 de l’inventaire des données sous-jacentes de l’inventaire ici https://data-donnees.az.ec.gc.ca/data/substances/monitor/canada-s-official-greenhouse-gas-inventory/E-ATCATF?lang=fr    

[3] Selon le même inventaire, la somme des transports routiers, aériens, maritimes et ferroviaire pour 2023 est d’environ 140 Mt CO2eq. Voir Tableau S-1 de la page 8 de l’inventaire 

[4]: Jetté, Jean-Pierre & Leduc, Alain & Gauthier, Sylvie & Bergeron, Yves. (2024). Adaptation de l’aménagement forestier face aux incendies forestiers – Quelques options à explorer pour la forêt boréale. The Forestry Chronicle. 1-8. 10.5558/tfc2024-021. 

[5]: Jetté, Jean-Pierre & Leduc, Alain & Gauthier, Sylvie & Bergeron, Yves. (2024). Adaptation de l’aménagement forestier face aux incendies forestiers – Quelques options à explorer pour la forêt boréale. The Forestry Chronicle. 1-8. 10.5558/tfc2024-021.   

[6]: Rapport d‘activités du forestier en chef 2023-2024. Bureau du forestier en chef. Gouvernement du Québec. https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/energie-ressources-naturelles/publications-adm/rapport-annuel-gestion/RA_activites_bfec_2023-2024_FEC.pdf 

https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/energie-ressources-naturelles/publications-adm/rapport-annuel-gestion/RA_activites_bfec_2023-2024_FEC.pdf 

CONTACT

Ingrid Cornec 
Responsable des communications 
SNAP Québec 
Cell : 581 745-6423 
communications@snapquebec.org