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Directeur de la conservation
Pier-Olivier est biologiste et directeur de la conservation à la SNAP Québec depuis 2013. Son travail au sein de l’Agence Parcs Canada et de plusieurs ONG au Québec et en Amérique Centrale l’ont mené à s’intéresser à la conservation et aux aires protégées. Il adore le canot, la pêche, la photographie, la musique et les mouches à chevreuil.
La sortie récente du documentaire « Je suis Magpie » sur les ondes de Télé-Québec m’a donné l’idée de faire une rétrospective du mouvement de protection de la rivière Magpie, sur la Côte-Nord. En cette Journée internationale d’action pour les rivières, il m’apparaît pertinent de réfléchir à toutes les actions mises en place pour préserver ce joyau naturel du Nitassinan Innu.
Renommée internationale
J’ai retrouvé un vieil article de La Presse de 1989 qui vantait déjà les rapides de la rivière et son potentiel pour les activités en eaux vives, comme le rafting, le canot et le kayak. On la comparait déjà à l’époque au fameux fleuve Colorado, dans le Grand Canyon, LA destination prisée de tout amateur de sensations fortes. Deux décennies plus tard, ce sera le prestigieux National Geographic qui la sacrera parmi les meilleures rivières aux monde pour les expéditions en rafting, en plus de figurer dans de nombreux autres palmarès.


La SNAP Québec va confirmer ce potentiel en commandant une étude au Laboratoire d’expertise et de recherche en plein air (LERPA) de l’Université du Québec à Chicoutimi en 2013. Quelques années plus tôt, l’organisation a démarré une pétition avec l’Association Eaux-Vives Minganie, un groupe de pagayeurs et de pagayeuses local qui a tiré la sonnette d’alarme et contacté la SNAP Québec quand la rivière Magpie a été inscrite dans le plan stratégique 2009-2013 d’Hydro-Québec en vue d’un développement hydroélectrique potentiel de 850 mégawatts. Après de nombreux kiosques à faire signer la pétition en version papier dans des festivals de canot-kayak, plusieurs actions en ligne, la pétition sera postée en pleine pandémie au Premier ministre du Québec, 13 000 signatures plus tard. Mais je vais trop vite…


Convaincre
En 2013, fraichement arrivé à la SNAP Québec, je me rends à Ekuanitshit, communauté innue de la Minganie, avec la chercheuse Lorie Ouellet. Nous allons présenter les résultats de son travail avec le LERPA sur une étude qui rapporte que la rivière Magpie a des rapides plus intéressants que la majorité des rivières les plus prisées pour le rafting en Amérique. L’étude sera présentée aux maires et mairesses et à de nombreux organismes régionaux. L’année suivante, la SNAP Québec organise une descente de la rivière avec des élus locaux. De fil en aiguille, nous tissons les relations qui vont mener à la formation de l’Alliance Muteshekau-shipu, qui regroupe Premières Nations, municipalités, citoyen.ne.s et groupes environnementaux.
Mais surtout, nous construisons durant ces années une alternative au projet hydroélectrique rêvé par Hydro-Québec. Celle d’une rivière préservée dans son état naturel, qui bénéficie de manière durable et infinie aux communautés locales par le biais du récréotourisme et du maintien de la culture innue (Innu Aitun).
Nous avons apporté la rivière Magpie dans les grandes villes du Québec lors de soirées-conférences; nous avons organisé le premier forum nord-américain sur la préservation des rivières à Sept-Îles; nous avons même organisé une manifestation éclair (« flash mob ») devant le siège social d’Hydro-Québec à Montréal en 2017.






(crédit Danny Peled)


La Magpie, de retour sur la scène internationale
Devant l’inaction du gouvernement québécois et d’Hydro-Québec, nous avons réfléchi à comment nous pouvions ajouter des briques à la protection de la rivière à partir de la base, sans avoir besoin des instances provinciales. En pleine émergence du mouvement mondial des droits de la nature, nous avons rassemblé nos partenaires régionaux et une équipe d’avocats pour octroyer une personnalité juridique à la rivière Magpie.
Après des années de travail, la rivière Magpie a été la première au Canada à obtenir des droits en février 2021 – neuf, précisément, dont celui de recourir aux tribunaux si son intégrité était menacée. Cette initiative a fait le tour du monde et nous a valu le Prix Droits et Libertés 2022, décerné par la Commission des Droits de la personne et de la jeunesse du Québec.


Deux ans plus tard, en décembre 2023, à la suite de nos efforts, la Magpie recevait une nouvelle attention internationale : on lui reconnaît un statut d’Aire du patrimoine autochtone et communautaire (APAC), encore une première au Canada.
Un combat à terminer
Faire connaître la rivière Magpie et son immense potentiel récréotouristique a été un long chemin de croix, et a nécessité des efforts de dizaines de militant.es et d’allié.es. C’est la nature même de la rivière qui fait que tout le monde se rallie derrière elle; ses rapides et son caractère boréal sauvage font en sorte qu’on lui porte un amour indéfectible. C’est pour ces raisons que les gens n’hésitent pas à prendre parole en faveur de sa protection.
Il ne resterait qu’Hydro-Québec à convaincre pour que cette rivière soit protégée à jamais. En cette Journée internationale d’action pour les rivières, on vous invite à nous partager qu’est-ce que vous aimeriez que la SNAP Québec fasse dans les prochains mois pour protéger la rivière dans les commentaires de ce blogue, sur les réseaux sociaux ou en nous écrivant directement.
De notre côté, nous allons aller défendre la candidature de la rivière dans les prochains mois dans le cadre de l’Appel à projet d’aires protégées lancé par le gouvernement du Québec en juin dernier pour atteindre 30% de protection du territoire d’ici 2030. Vous pouvez compter sur nous pour continuer la lutte jusqu’au bout!
Aidez-nous à protéger la rivière Magpie!


Pour sortir du bois sans perdre la forêt, la nature est notre meilleure alliée


15 ans d’action pour protéger la rivière Magpie. Et maintenant?

